2 October, 2017

« Cyclogastronomie » avec Iñigo Lavado et l'Orbea Factory Team

La Transpyr Coast to Coast 2017 s'était à peine achevée à Hondarribia, Guipuscoa, que les membres de l'Orbea Factory Team, avec le maillot des leaders en poche, prenaient un repos bien mérité après plus de 800 km et 20 000 m de dénivelé.

Pour cela, ils avaient choisi le lieu rêvé : un restaurant situé à Irun, a 7 km seulement de la ligne d'arrivée de la Transpyr, où l'on propose un menu qui associe gastronomie et cyclisme, mais avec en supplément une belle histoire de passion, dévouement et travail.

Ce lieu est le Singular et il appartient à un « capo » de la cuisine basque, Iñigo Lavado. Ibón et Tomi l'ont attentivement observé pendant la préparation des plats que le cuisinier leur a présentés, tout en écoutant avec intérêt l'histoire de ce « cyclochef ». Voulez-vous la connaître à votre tour ?

Vous avez montré à Ibon Zugasti et Tomi Misser quelques plats comme du couscous ou une crème de légumes, comment la visite s'est-elle déroulée ? Quel a été le comportement des élèves ?

Iñigo Lavado : Je les suis sur les réseaux sociaux et ils ont été fidèles à eux-mêmes : naturels, très aimables, à l'écoute de mes histoires… En fait, ils ont juste terminé la Transpyr et ils se sont directement douchés dans le restaurant. J'ai passé un très bon moment en leur compagnie.

Selon vous, sont-ils doués pour la cuisine ?

Ils constituent un binôme parfait, parce qu'ils se complètent. Je pense que Tomi est plus habile, ou au moins plus intéressé. Ibón semble aimer la gastronomie, et il fait tout très proprement et soigneusement. J'ai pu constater que tous deux prennent bien soin d'eux.

Connaissez-vous un cycliste qui soit également un bon cuisinier ?

Je suis un ami de Juanma Gárate et il m'a récemment invité à dîner chez lui. Nous avons beaucoup de choses en commun et lorsqu'il était professionnel, nous faisions du vélo ensemble. Il aime la cuisine, et en plus il a chez lui un « txoko » (coin cuisine/salle à manger au Pays basque) pour inviter les amis.

Parlons de vous à présent. D'où vient votre amour du cyclisme ?

Ce que j'aime surtout, c'est d'associer mon hobby avec cette passion (le cyclisme), une passion que mon père m'a inculquée dès mon plus jeune âge. Je dis toujours qu'à travers le cyclisme, mon père a pu me transmettre les valeurs qui me guident aujourd'hui.

Avez-vous le temps de monter sur le vélo ? Quels sont vos parcours préférés ?

Oui, le vélo, c'est ma thérapie. Je dis souvent qu'après avoir fait du vélo, tout me semble merveilleux.

En général, je fais du vélo sur route. Je pars avec un « gruppetto » appelé « El bus de Mondra » et même si pendant l'année nous réalisons différentes routes, notre parcours est généralement le suivant : nous partons du restaurant direction Dantxarinea, puis nous passons du côté français… Saint-Jean-de-Luz, Ascain, Saint-Pée-sur-Nivelle… Parfois, nous revenons par la Navarre et nous montons Palomeras, et d'autres nous revenons directement par le côté français.

Quelle est votre meilleure expérience sur un vélo ? Et en cuisine ? Comment votre initiative du « Maillot des valeurs » a-t-elle vu le jour ?

Avec Paco Rodrigo de Etxeondo et Juanma Gárate, il y a trois ans, j'ai pu réaliser l'un de mes rêves : élaborer un symbole lié au restaurant : le Maillot des valeurs. Je répète souvent que ce qui nous permet de tenir, dans les bons et les mauvais moments, ce sont les valeurs. Nous voulions remettre un symbole aux personnes qui partagent les valeurs du restaurant et ma façon de voir la vie. Ce symbole est décerné une fois par an et pour cette édition, nous avons compté avec la participation de Perico Delgado, Arroyo… Le lauréat a été José Miguel Echavarri, directeur historique de l'équipe Reynolds. Ce sont des moments où l'on se dit : « C'est super ! ».

En cuisine… je travaille sur un projet qui consiste en une table dans une caisse qui voyage et je cuisine pour six personnes, dont moi-même. Cette « table portable » est ma façon de m'exprimer et un moyen d'associer ce que l'on aime et ce que l'on fait chaque jour. Cela m'a permis de cuisiner dans plusieurs lieux, notamment « Le Peigne du vent » pour Juan Echanove, avec les Imparables pour Santi Millán ou de préparer un dîner pour Perico. L'un des plus émouvants a été celui réalisé la veille de la Journée mondiale contre le cancer, à l'hôpital oncologique. Quatre patients atteints de cancer, le directeur de l'hôpital (qui m'a proposé l'idée) et moi.

L'idée d'un plat vous est-elle déjà venue sur votre vélo ?

Oui, les meilleures idées de plats me sont venues lorsque je me trouvais sur mon vélo, même si après elle doit être concrétisée dans la cuisine.

Tous les dimanches, vous préparez du bouillon pour les cyclistes qui s'arrêtent par ici : comment cette idée a-t-elle surgi ? Quelle est l'ambiance dans votre restaurant le dimanche matin ?

J'ai commencé par me demander : « Qu'est-ce que ça coûte de faire un bouillon ? » La réponse est : le soin que vous voulez y mettre. Alors, tous ceux qui font du vélo le dimanche savent qu'ils peuvent venir et savourer un bouillon chaud. En été, je le remplace par une soupe froide (salmorejo).

Certains jours, les pauses se prolongent, parce qu'on se sent bien, on prend une bière… on ajoute une omelette à la morue ou autre chose. Il y a également des gens qui ne peuvent pas sortir rouler parce qu'ils sont blessés et ils apparaissent à 11 h, en tenue « civile ». L'ambiance est très agréable, car tout le monde participe, travaille en équipe et j'en suis très content.

Quels sont les plats de votre restaurant que vous recommanderiez aux cyclistes après une route épuisante, le dimanche matin ?

En fait, il y en a plusieurs, mais pour en citer un, disons des « kokotxas » avec du riz marin pour les glucides ; de la tomate fraîche avec de délicieuses tranches de morue ou une queue en ragoût pour ceux qui ont réellement besoin de protéines. Le tout cuisiné très très proprement et très savoureux.

Vous avez appris avec les meilleurs : Pedro Subijana, Ferrán Adriá, Martin BerasateguiNous vous proposons un jeu. Si chacune de ces trois personnes était un cycliste, dites-nous quel cycliste il serait et pourquoi…

…Si Pedro Subijana était un cycliste, quel type de cycliste serait-il et pourquoi ?

Je dirais… Miguel Induráin. Parce que c'est un leader solide, méticuleux et très ordonné, qui s'est fait lui-même, avec un goût exquis. Il s'agit de quelqu'un qui s'est fait respecter.

…Si Ferrán Adriá était un cycliste, quel type de cycliste serait-il et pourquoi ?

C'est un visionnaire, quelqu'un de très doué, un précurseur qui est en avance de cinq ans sur tout le monde, il voit ce que nous ne voyons pas encore. Je dirais Pantani.

…Si Martin Berasategi était un cycliste, quel type de cycliste serait-il et pourquoi ?

Il possède une force hors du commun. C'est une personne dotée d'une grande vitalité, très énergique et puissante, capable de renverser tous les obstacles pour atteindre ses objectifs. Un numéro un absolu. Avec cette ambition, je dirais Peter Sagan.

Et Iñigo Lavado ? Quel cycliste seriez-vous ?

Je serais un cycliste ordinaire, je ne sortirais pas du lot. Aujourd'hui, je dirais Markel Irizar parce qu'il stimule l'esprit d'équipe et parce que c'est une personne qui a l'air de favoriser l'union, ce avec quoi je m'identifie.

Et la question la plus difficile pour la fin : qu'est-ce qui est plus sacré pour un Basque ? Le vélo ou la cuisine ?

La table. La table sur laquelle on partage des choses : depuis la gastronomie jusqu'aux décisions des équipes ou des entreprises. Au sein de notre culture, tout ce qui vaut la peine se décide au cours d'un repas autour une table, même si le cyclisme est très populaire chez nous, profondément ancré dans notre culture.