Nous avons parlé du voyage que nous aimerions faire pour nous-mêmes plutôt que pour le travail… que nous aimerions faire si nous disposions d'une semaine complète, sans aucune restriction. L'idée a grandi jusqu'à ce que l'évidence s'impose, nous devions le faire. Voici l'histoire de l'aventure née de cette petite idée.
Une partie de notre travail de guides de VTT consiste à maîtriser l'aventure, pour la façonner et en faire profiter nos invités en toute sécurité. Nos voyages semblent pleins d'aventures, mais en réalité nous avons analysé les risques, pris des mesures pour les atténuer et empilés les alternatives, afin de disposer en permanence d'options sûres pour nos groupes. Nous avons testé les itinéraires avec des amis et de nombreux vacanciers, et nous sommes pratiquement sûrs que chacune de nos vacances sera un succès.
Cette fois, le voyage n'était pas du même type, il n'y avait pas de mesures d'atténuation, pas de plan A à suivre jusqu'au bout. Les failles au niveau de l'organisation devaient être minimes, car si l'un des composants de l'équipe, une personne ou un équipement, venait à faire défaut, tout le monde en serait affecté. Ce voyage était pensé comme une vraie aventure. Je veux dire par là que les problèmes potentiels étaient bien réels !
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Pour concrétiser notre désir d'aventure, il nous fallait une bonne raison. Alors, nous avons eu l'idée d'inviter des journalistes, des photographes et des vidéastes spécialistes du VTT venus du monde entier, et de tout enregistrer. Orbea devait nous fournir les vélos et nous devions nous équiper avec un mélange d'Occam AM et de Rallons. Ce voyage devait nous conduire depuis le terrain plat au nord du fleuve Èbre, à travers la nature sauvage de la Sierra de Guara, en passant par la « Zona Zero », jusqu'aux hautes Pyrénées, avant la grande traversée jusqu'à la Vallée de Benasque.
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Nous avions l'intention de réaliser le trajet de la manière la plus linéaire possible, mais nous savions que pour couvrir ces distances tout en suivant les meilleures pistes, nous aurions besoin d'aide pour les montées. Nous avons donc planifié l'itinéraire en tenant compte de ce facteur. Chaque personne devrait porter son équipement pendant la journée, mais l'équipe Basque MTB nous apporterait son aide et s'occuperait du transfert de notre équipement jusqu'au prochain arrêt. Des piques-niques seraient également disponibles pendant le trajet. Après tout, l'aventure ne doit pas aller sans un certain confort !
Nous avons uniquement invité des personnes avec lesquelles nous avions déjà travaillé, afin de réduire au minimum les imprévus. Nous avions Paul Humbert de VojoMag, Pete Scullion venu d'Écosse, Muriel Bouhet de MTBPro, Sam Needham un photographe connu et Ian Baquerin un réalisateur espagnol. L'équipe basqueMTB se composait de Carlos, l'un de nos guides et de moi (Doug), le propriétaire de basqueMTB.
La première nuit, nous sommes arrivés à Nocito, un petit village presque totalement abandonné jusqu'à très récemment, et nous y avons monté nos vélos et partagé un bon repas autour d'un bon feu. Le matin suivant, nous avons roulé sur les pistes accidentées et rocailleuses de Guara, une zone où il faut lutter pour avancer et où les descentes ne sont pas vraiment de tout repos. Les pistes sont rudes pour les coureurs et pour les vélos, comme disent les gens du coin : « Guara : si quiere, te mata » ou « Guara : si elle veut, elle te tue ».
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L'idée était de finir la journée par l'ascension du Tozal de Guara, le sommet le plus élevé de la zone. Nous savions que nous devions atteindre le sommet avant 19 heures, si nous voulions avoir assez de lumière pour redescendre. Mais, pendant la montée, des nuages épais se sont formés vers l'ouest et il devenait évident que nous allions assister à un crépuscule, peut-être magnifique, mais trop précoce.
Comme nous abordions la dernière côte vers le sommet, nous nous sommes rendu compte que la lumière n'était plus suffisante pour y parvenir en toute sécurité. Nous étions arrivés à 60 mètres à la verticale du sommet, il nous fallait prendre une décision difficile, mais nous n'avions plus le choix, alors nous avons fait demi-tour et commencé à descendre en profitant des derniers rayons de soleil qui nous réchauffaient les reins. Nous avons fait la course contre le soleil couchant pendant toute la descente, rapidement et difficilement, mais le soleil allait plus vite que nous et la lumière nous a bientôt manqué. Je menais la charge et j'étais heureux de la confiance que j'avais acquise sur mon vélo au cours des innombrables heures sur la selle tout au long de cette année. Je visais les lieux les plus lumineux en espérant qu'ils nous permettraient de suivre le sentier à une voie qui se dessinait à peine devant nous. Juste au moment où les dernières lueurs disparaissaient et que nous ne pouvions aller plus loin en sécurité, nous avons atteint un accotement et entrevu une petite cabane isolée avec la lueur d'un feu comme une invitation à travers la fenêtre.
Nous avions trouvé un abri pour la nuit et un feu pour nous réchauffer, des bières fraîches et des aliments cuisinés grâce à Bertrand et à son incroyable fille, Éva. Nous avons laissé nos vélos à l'extérieur, dans le noir, pour entrer dans la chaleur, avec la lueur du feu et les odeurs de nourriture. Ce fut une expérience émotionnelle, presque religieuse, que d'arriver dans ce lieu en altitude après une longue et rude journée sur nos vélos.
Cette nuit-là, nous avons écouté les histoires de Bertrand, un vieux cowboy français et l'une des premières personnes à repeupler les villages abandonnés de Guara. Il a parlé d'aventures et de la joie de rentrer chez soi, de voyages à travers l'Afrique en laissant sa fille auprès d'une partenaire compréhensive dans des villages semi-abandonnés, d'étrangers rencontrés sur la route et des risques pris. Nous avons mangé de la chapelure bien grillée et bu du vin, et parlé aussi… mais la plupart d'entre nous se sont contentés d'écouter jusque tard dans la nuit.
Lorsque le moment du coucher est venu, nous avons contemplé un spectacle incroyable au-dessus de nos têtes. Le ciel était clair et rempli d'étoiles, mais de chaque côté de la montagne une tempête faisait rage et les éclairs illuminaient le ciel en silence, en dessinant des formes qui se faufilaient parmi les étoiles. C'était la fin incroyable d'une journée incroyable que nous n'allions pas oublier de si tôt. Aujourd'hui, nous avons vécu une expérience intense que j'ai été heureux de partager avec ce groupe de personnes. Ce matin, nous étions des étrangers, mais le feu de l'aventure a forgé des liens étroits entre nous et le groupe est maintenant parfaitement soudé.