12 June, 2018

Parlons watts avec l'Orbea Factory Team et Mikel Azparren

L'arrivée du capteur de puissance dans le cyclisme professionnel il y a quelques années a signifié un point clé pour l'entraînement et la compétition. Ainsi, il est devenu un outil indispensable pour le cyclisme de haut niveau, mais aussi pour ceux qui souhaitent passer au niveau supérieur en termes de pilotage.

Son origine remonte aux années 1980, lorsqu'un ingénieur allemand, Ulrich Schoberer, parvint à la conclusion que la puissance était la seule valeur fixe et constante pour améliorer la forme physique sur le vélo. Il créa pour la mesurer les premiers modèles de capteurs de puissance qui, avec le temps, allaient devenir plus petits, plus précis, plus résistants et plus abordables, aussi.

Nous avons parlé avec Alberto Losada et Tomi Misser, de l'Orbea Factory Team, et avec Mikel Azparren, entraîneur cycliste et ambassadeur d'Orbea, pour en savoir plus sur certains aspects de l'entraînement en fonction des watts et l'utilisation du capteur de puissance. Trois profils différents avec un dénominateur commun : l’usage du capteur de puissance :

Avant de commencer, pour ceux qui ne sont pas familiers du sujet… qu'est-ce que cela veut dire : s'entraîner en fonction des watts ?


Alberto Losada
: s'entraîner en fonction des watts indique la précision nécessaire pour réaliser un bon entraînement. Le travail est beaucoup plus spécifique et efficace qu'avec un cardiofréquencemètre.

Mikel Azparren
: s'entraîner en fonction des watts signifie aujourd'hui bien s'entraîner. Et je dis bien parce que cela sert à connaître nos limites, à quel moment on peut ou pas les dépasser, et surtout, s'entraîner en fonction des watts, c'est s'entraîner en sachant que l'on fait du bon travail.

Tomi Misser
: pour moi, cela veut dire s'entraîner en contrôlant la puissance que l'on produit à tout moment et savoir exactement quel est notre niveau de puissance. C'est une façon de connaître avec davantage de précision l'effort que nous fournissons.

Quelle différence y a-t-il entre un entraînement en fonction des watts et en fonction du pouls ?

Alberto : il y a longtemps, on s’entraînait en fonction du pouls, mais cela n'a rien à voir. Le pouls est très variable, parce que si l'on a bien ou mal dormi, le pouls est différent. Les watts sont toujours les mêmes et cela permet de réaliser un meilleur entraînement qu'avec le cardiofréquencemètre.

Mikel : c'est ça la grande différence, le watt est une valeur fixe, ce que le pouls n'est pas. Comme le dit Alberto, le pouls est beaucoup plus variable, car il est affecté par une journée plus ou moins stressante au travail, par notre état de santé, etc. De plus, la fréquence cardiaque met plus longtemps à atteindre le seuil anaérobie, par exemple*.

Tomi : dans le cas de la puissance (mesurée en watts, W), contrairement au pouls (mesure des pulsations par minute, bpm), la théorie explique que la puissance se maintient même si l'on est fatigué, alors que le pouls varie énormément en fonction de votre nuit antérieure, de la fatigue de la veille, etc.

Mikel, peux-tu nous expliquer que signifie : mettre longtemps à atteindre le seuil anaérobie ?

Mikel : je veux dire par là qu'avant, si on te disait de monter un col entre une zone 3 et une zone 4, tu partais du col et ce n'était qu'après une minute ou une minute et demie que tu atteignais les pulsations de la zone 4 (parce que le cœur augmente les pulsations progressivement). Avec le watt, cela met entre une et trois secondes (parce que la mesure de la puissance est presque instantanée).

Tomi souhaite également intervenir : en d'autres termes, pour atteindre X pulsations, tu réalises un effort beaucoup plus important qu'il ne faudrait, car tu veux que le cœur augmente ses battements. Avec la puissance, le cœur s'adapte à la puissance qu'on lui demande de fournir.

*Zone 3, zone 4 ?

Mikel : les zones sont très utilisées par les entraîneurs pour planifier la saison et pour que la personne qui s'entraîne connaisse les différentes zones de travail : zone aérobie pour brûler des graisses, zone aérobie de travail du glycogène, zone du seuil anaérobie, zone de puissance maximale, etc. (il existe sept zones).

Pour en revenir à notre sujet… Quelle différence y a-t-il entre une première sortie avec un cardiofréquencemètre et une sortie avec un capteur de puissance ?

Alberto : quelqu'un qui sort pour la première fois avec un capteur de puissance va arriver à un col et se dire : « c'est trop facile, j'atteins les 500 W », et au bout de trois minutes, il se rend compte que c'est beaucoup plus dur.

Mikel : de plus, on peut devenir fou. Les deux dispositifs doivent servir à réaliser un entraînement raisonné, en général avec l'aide d'un entraîneur, car les informations sont nombreuses et on ne sait pas toujours toutes les traiter.

Tomi : en effet, c'est totalement différent. Lors d'une première sortie avec un cardiofréquencemètre, on essaie d'atteindre rapidement les pulsations pour les maintenir ensuite. Dans le cas de la puissance ou des watts, on atteint rapidement le niveau de watts que l'on souhaite, mais on a plus de mal à le maintenir, c'est plus une question de dosage.

Et que me diriez-vous pour ma première sortie avec un capteur de puissance ?

Alberto : je te conseillerais de réaliser un test de puissance.

Mikel : je suis d'accord. Il faut aller jusqu'à un col de 3 % à 5 % de dénivelé et pédaler à fond pendant 20', pour quelqu'un qui s'entraîne de manière régulière. Ensuite, il faut soustraire 5 % du total des watts pour obtenir la donnée Functional Threshold Power (FTP) ou Puissance au seuil fonctionnel, en français. Avec cette donnée, on obtient les zones dont nous parlions auparavant. Si on s'est entraîné régulièrement, je dirais d'aller jusqu'à 10' et de soustraire 10 % à 15 %.

Tomi : c'est ça. De plus, il faut s'adapter, mais on apprend à pédaler différemment, à gérer davantage nos efforts et finalement, à gagner en efficacité.

Tous vos vélos sont-ils équipés de capteurs de puissance ?


Alberto
: Oui, mais je l'utilise surtout lorsque je réalise un entraînement de qualité, des séries.

Mikel : pareil. En fait, le jour où je roule sans capteur de puissance, je mets cinq jours à le faire…

Tomi : sauf en Rallon. En fin de compte, plus on s'entraîne et mieux on se connaît, et dans une descente, on ne peut pas regarder les watts parce qu'il faut regarder le terrain. Je pense que cela m'aiderait surtout pendant les courses d'enduro, notamment pour contrôler l'effort dans les montées. Il s'agit de tronçons longs et pour ne pas se fatiguer excessivement. Je l'utilise beaucoup pour m'entraîner, car il permet de le faire plus efficacement.

Et vous, à quoi vous sert-il ?

Alberto : quand j'étais professionnel, il m'aidait beaucoup, parce que je pouvais savoir que si j'atteignais un certain niveau de watts, je pouvais réduire le peloton ou si je devais tirer un bout droit entre deux cols, par exemple, je disposais d'une référence très fiable. Pour les courses de VTT, je m'en sers moins.

Mikel : pendant mes épreuves d'ultrafond, il est essentiel, parce qu'il me permet de savoir si je dépense plus qu'il ne faudrait (selon la zone dans laquelle je pédale). Pour ces épreuves, il m'est indispensable.

Si je sors avec le gruppetto, par exemple, la première montée courte arrive après 15 minutes et si notre seuil se situe à 300 W et que l'on se rend compte qu'on donne 450 W, ce sont 150 W qu'on ne récupère plus. Dans ce cas, je ralentis tout de suite. Cependant, selon le pouls, il est très probable que dans une courte montée, on n'ait pas le temps d'atteindre ce seuil anaérobie pour signaler que l'on fait trop d'efforts.

De plus, ce qui est important avec les watts, c'est le temps que peut tenir notre FTP, non ? Le ratio kilo/poids est à la mode (deux cyclistes avec des watts équivalents, mais un poids différent, le plus léger va plus vite), mais ce qui est important c'est la capacité à maintenir ce seuil FTP. On appelle cela les kilojoules, l'énergie dont dispose le cycliste pour produire un watt en une seconde.

Continuons. Quand et comment avez-vous commencé à utiliser le capteur de puissance ?

Alberto : en 2010. En 2011, j'ai commencé à interpréter les données avec un entraîneur qui nous a orientés et j'ai commencé à sentir une amélioration significative. Je ne pourrais plus m'entraîner sans watts.

Mikel : j'ai commencé il y a trois ans et moi non plus je n'imagine pas un entraînement sans lui, même sur le rouleau. Avant j'utilisais un cardiofréquencemètre.

Tomi : j'ai commencé vers 2011. J'ai étudié à l'Institut national d'éducation physique (INEF) et je me suis spécialisé en entraînement, alors tous les paramètres pour progresser m'intéressaient, et comparer les données que j'en tire.

Je suppose que vous en avez essayé plusieurs…


Alberto
: Oui, j'en ai essayé plusieurs… (il rit), maintenant j'ai le ROTOR 2INpower et j'en suis vraiment très satisfait. Il est très fiable, précis et on peut le charger avec une batterie (qui dure 300 h de pédalage). C'est une avancée importante de ne pas être obligé de changer les piles. C'est un capteur de puissance qui réalise des mesures pour chaque jambe, si on fait plus d'efforts avec une jambe qu'avec l'autre, etc. Il aide beaucoup à pédaler de façon équilibrée, grâce aux données qu'il donne à travers le Torque 360º.

Mikel : moi aussi, j'en ai essayé plusieurs. Dans les pédales, ceux qui vont dans la manivelle, et mon préféré est celui que j'utilise actuellement, le 2INpower de ROTOR, parce qu'il me fournit beaucoup de données. De plus, je possède les plateaux ovales Q RINGS®, qui ont plusieurs positions, et le capteur de puissance me fournit de nombreuses données qui m'aident à déterminer ma position*. Je n'aimais pas beaucoup les plateaux ovales et maintenant je ne peux plus m'en passer. Comme pour les freins à disque.

Tomi : j'utilise aussi le même capteur de puissance. Au début, dans l'Orbea Factory Team nous avons commencé à mesurer les watts d'une jambe, puis nous avons eu la moyenne des deux et maintenant, nous disposons des informations sur la puissance exercée par les deux jambes, séparément. Nous disposons ainsi de beaucoup d'informations, à un point tel que je le compare avec celui des suspensions : réglages en montée, en descente, rebond, etc.

* Pour finir… De quel type sont les données qui t'aident à régler les plateaux Q RINGS® selon ton coup de pédale, Mikel ?

Mikel : ROTOR a développé une application qui fournit beaucoup de données. Elle interprète toutes ces données et t'indique par exemple la meilleure position des plateaux en fonction de ta façon de pédaler (technologies appelées OCP et OCA). Elle aide même à améliorer l'efficacité du pédalage, car elle fournit des données concernant l'équilibre de ton coup de pédale et cela aide énormément. Toutes ces informations me permettent de pédaler avec une efficacité accrue.